comme un drapeau blanc (abel)

 C'est une fin de journée banale, celle d'une journée emmerdante comme une autre. Tu te mélanges à la folle, "mène" une vie saine et fais exactement l'inverse de tes convictions. Toi qui croyais vivre en enfer réalises que l'enfer, c'est d'être dans la banalité et une vie fliquer. Ça aussi, tu pensais y avoir droit, être constamment fliqué. Dans le sud de Nigh Vale, on est forcément considéré comme étant un criminel. Être déviant, c'est une chose, mais de là à dire que tous ces habitants sont des délinquants en est une autre. Surtout, lorsque ces derniers se battent pour survivre et ne pas vivre dans l'oppression. Tu te considères comme une humaniste, le genre de personne qui se bat pour ses convictions et la liberté. Tu avoues être une hors-la-loi, et ton casier judiciaire ne peut le nier. Pour toutes ces raisons, tu préfères ne rien dire sur tes origines. Tu donnes l'adresse d'une amie qui vit dans un quartier plus fréquentable, et cache ce tatouage qui prouve ton affection pour les Crimson. Tu as assez d'ennuis, pas la peine d'en rajouter.
C'est donc discrètement que tu rentres dans le sud, honteuse pour les premières fois de ne pas afficher d'où tu viens. Voilà le véritable crime que tu commets. Mais tu le fais non pas par envie, mais par nécessité. La vengeance demande une certaine préparation, et des concessions. Certaines sont plus dures que d'autres, tu feras avec. Arrivée dans le côté désertique de Night Vale, tu souffles enfin, et sens que Danae remonte à la surface. Ici, il n'est pas nécessaire de jouer la comédie, tu peux être toi-même. En marchant, tu croises Abel, un revenant. Ça fait des jours que vous ne vous êtes pas vu, c'est un peu l'incompréhension entre vous. Ça l'a toujours été, mais c'est comme si un voile vous surplombez. Vous qui avez toujours affecté les mêmes affections, vous voyez désormais en désaccord. Être en froid avec lui, c'est comme s'arracher les tripes depuis l'intérieur. C'est dérangeant, et ça commence à se voir. Ça suscite des questions, et même si tu voulais le dénoncer à sa famille, tu ne souhaites pas les que les choses se déroulent de cette manière. Après t'être raclé la gorge, tu prends ton courage à deux mains, et vas à sa rencontre. Il a comme une emprise sur toi, et sais mettre ta rancune de côté. Pourtant, tu en lui en veux, c'est une trahison. « Abel ? » Tu l'appelles au loin, et espères que tes antagonistes n'ont pas rongé le cerveau du beau brun. Lorsqu'il se tourne vers toi, tu vois comme une lueur d'espoir. « Ça fait longtemps. Je commençais à me demander où ton cœur pouvait bien gésir. » Tu es plutôt sérieuse, mais accompagnes tes mots d'un sourire en coin.

 À ce moment, tu as comme une envie de disparaître, de ne pas l'avoir croisé, et d'ignorer son ivresse. Des questions se percutent, et viennent se mêler les unes aux autres. Mais l'une d'elle revient sans cesse : qu'est-ce qu'il fout, bordel ?! Tu gardes tes distances, et jugement remplace ton sourire. « T'as raison, mais n'oublies pas qui fut le premier à déserter. » Un reproche est toujours suivi d'un autre. Tu ne vois pas ce que tu peux ajouter de plus, ce qu'il peut réellement entendre. Tu connais trop bien le comportement des personnes sous l'emprise de l'alcool, et toute conversation tourne en rond comme un vieux disque rayé. Pourtant, tu aimerais que les choses soient mises au clair, et balayer cette trahison qui te reste en travers de la gorge. Abel, personne ne peut le remplacer, c'est comme une nécessité, ta béquille qui s'est brisée trop tôt. Des coups de crasses, tu en as connu, mais celui-là, c'était comme le coup de grasse, celui que les Capulet te réservaient. Et malgré sa situation actuelle, tu prends ton courage à deux mains. Après tout, qu'est-ce qui pourrait arriver de pire ? Pas grand chose, t'en est convaincue. « Puisqu'on en est là, autant en parler, non ? » Ce n'est pas vraiment une question. Et sans même attendre une réponse de sa part, tu te remets en marche, et lui demande de te suivre d'un signe de tête. Tu ne souhaites pas en parler au beau milieu de la rue. C'est assez contradictoire lorsqu'on y pense, toi qui voulais dénoncer sa trahison, et le blesser comme il a pu te le faire. Malgré tout, tu es comme heureuse de le voir. Tu ne veux pas montrer à quel point il t'a manqué. Il le sait, et tu restes égale à toi-même. « Il est un peu tôt pour ça, tu ne trouves pas ? » Une fois de plus tu le juges, lui reproche d'avoir bu cette substance licite, celle que toi-même tu apprécies.