valley of the dolls {ronnie}

Le joint aux lèvres, la tête en arrière, et l’esprit d’une princesse d’un conte aussi foiré qu’imaginaire qui divague. Cass, elle est paumée. Paumée sur ce qu’elle a à faire. Paumée sur ce qu’elle veut réellement, sur ce qu’elle devrait éviter. Cass, elle fonce la tête baissée. Elle était pourtant persuadée que cette manière de faire, c’était réservé à l’énergumène qui lui sert de petite sœur. Mais c’est bien elle qui continue de se ruer dans la gueule du loup avec des excuses à la con. Pauvre Cassandre, cœur brisé et méprisé. Y’a bien un jour où elle finira par se réveiller. Y’a bien un jour où le coup sera trop fort, le piétinement trop douloureux. Ce jour là, peut-être qu’elle ouvrira les yeux. Peut-être qu’elle se décidera à arrêter de foncer sur ces mecs qu’elle est censée éviter. Un jour. En attendant, c’est le rappel de son téléphone qui la tire de sa léthargie. Une plainte inaudible qui s’échappe de sa bouche en voyant l’heure. Merde. Tatouage. Ronnie. Une distraction bonne à prendre.

Les talons de ses bottes usées qui claquent sur le bitume et la sonnette qui retentit annoncent son entrée. C’est pas la première fois qu’elle vient là, et ça sera pas la dernière. Du moins si Ronnie survit à Night Vale. Cass, elle le connait pas vraiment. Ronnie, c’est juste le mec qu’elle avait vu trainer quelques fois, celui qu’elle est venue voir deux ou trois fois pour des conseils de tatouages, et des prises de rendez-vous. C’est le jour J. Passage sous l’aiguille du sudiste. Elle continue d’avancer, alors que Ronnie est toujours penché sur son pseudo comptoir, dos à elle. Elle avance et se penche légèrement vers lui, vers le creux de son oreille. « J’espère que tu m’as pas oublié. » un léger pas en retrait pour ne pas envahir trop longtemps son espace vital. Cass, elle a le sourire aux lèvres. Celui que les joints lui donnent lorsqu’elle veut occulter la réalité pendant quelques heures. Pas franchement défoncée, seulement soulagée. Comme à chaque fois, Cass, elle continue de le détailler. Elle le fixe comme tout ce qui l’intrigue. Ronnie, c’est l’inconnu. Y’a cette étincelle qui brille au fond de ses prunelles. Pas franchement éblouissante, un peu usée, ravagée. C’est peut-être l’étincelle du danger. Ou Cass qui devient cinglée. Mais l’un dans l’autre, Shelby reste intriguée. Et c’est bien là le problème.  « T’as le temps, pour quelques retouches, en plus du nouveau ? » elle lui montre son avant bras, où trône fièrement un serpent et deux roses noires entremêlées, signe d’appartenance aux Crimson Pistols. C’était pas franchement prévu, mais un petit coup dessus ne fera pas de mal. Son premier tatouage, sa première marque. Parti pris, officiel, bien que le chemin était tracé depuis sa naissance. Cette marque, c’était peut-être bien le début de la fin. Les histoires de gang, ça connait pas les happy ending. Celle là sera pas bien différente. Cass sort un bout de papier, avec l’esquisse de son futur tatouage en haussant légèrement les épaules. « Au cas où. » normalement, il l’avait déjà. La seule chose qu’il savait pas, c’était l’emplacement. Alors du bout de l’index, elle désigne son aine, côté gauche. Côté opposé de cette putain de cicatrice dont elle a écopé lors de la fusillade. Pas de pluie d’étoiles ce soir là sur Night Vale. Une pluie de balle, toutes plus assassines les unes que les autres. Cass, elle est passée près. Trop près. Alors depuis, elle se gave d’anti douleurs, parce qu’elle a estimé que rester plus de deux jours dans un lit d’hôpital, c’était pas pour elle. En moins d’une journée, la princesse avait déguerpi. « Le nouveau, ça sera là. » lache-t-elle comme une gosse trop excitée à l’idée d’avoir un nouveau cadeau. Qu’il dépasse juste un peu. Mais pas trop. Celui-là, il est plus personnel que les autres. Celui-là, il est pour elle, pour sa mère, pour leurs souvenirs et les moments qu'elles auraient du partager.

Les quartiers, c’est toujours la même rengaine. Ça geint, ça fourmille, ça s’exclame, ça transpire le désespoir derrière des sourires de façades. Le quotidien n’est pas simple à Night Vale, il fatigue, il épuise, avant de te foutre un coup fatal derrière le crâne. Ronnie s’était habitué à la misère du Texas et à l’ascendant que pouvait avoir la Nuestra Familia. Ici, c’est encore autre chose. La ville est un bordel sans nom, morcelée de toutes parts par les rivalités carnassières des uns et des autres. L’envie de pouvoir est plus forte que tout, elle pousse aux règlements de comptes, incite à la convoitise et à la jalousie. Derrière la baie vitrée de son échoppe, c’est avec un sourire marqué au coin de ses lèvres, que l’enfant terrible observe la cité partir à vau-l’eau. Ça le fait doucement marrer tout ça. Il est condamné le môme, alors autant se la jouer kamikaze et être l’étincelle qui fera exploser tout ce merdier. Night Vale ne mérite que ça. Subir son courroux, sa rage de vaincre … autant que d’y rester. Et il se voit déjà, brandissant l’étendard revanchard, la gueule en sang, prêt à en découdre avec les Capulets, les Crimsons, la Nuestra et les autres connards qui traînent sur son passage. Perdu dans ses songes, c’est la douleur de ses ongles vissés dans ses paumes qui le tire de sa léthargie. Doigts engourdis, muscles bandés, Gray écrase fermement l’extrémité encore incandescente de sa clope dans le cendrier et fait volte-face, lassé que deux putes fassent le tapin devant sa vitrine.
Soupir sonore. Sa gorge sèche, empreinte de nicotine, lui fait défaut et l’assène d’une nouvelle quinte de toux. Un comble pour un prédateur qui a choisi le désert comme tombeau. La came, la clope, il en crève, à petit feu. Si sa folie n’engendre pas son trépas alors Ronnie a trouvé son bourreau.

L’heure file lorsque l’on se perd dans de macabres réflexions … C’est d’ailleurs l’arrivée de Cass’ qui y met un terme. La douce mélodie de ses talons qui claquent sur le parquet, son souffle chaud qui percute sa peau – y’a pas à dire, la barmaid sait soigner ses entrées. « bien sûr que non, tu es le seul rendez-vous de ma journée. » Cassandre … Minois angélique, regard enjôleur, courbes tentatrices … Elle pique autant qu’elle minaude. C’est sûrement pour cet atout que Ronnie s’est pris d’affection pour elle. Pour ça et pour ses grands yeux blasés. « pas de problème. » Ses rétines se posent sur l’avant-bras qu’elle lui tend fièrement et dès lors que le serpent apparaît dans son champ de vision, un désagréable frisson lui parcourt l’échine. Ce putain de rampant, il pourrait presque le sentir glisser le long de sa colonne vertébrale. Toutefois, l’allégeance de la belle lui rappelle soudainement qu’elle serait une alliée de choix - dans ses investigations. Ronnie la toise quelques instants avant que celle-ci ne sorte une esquisse de sa poche et avorte toutes ses réflexions. Le dessin semble lourd de sens. Cassandre marque sa peau à la manière d’un devoir de mémoire. Une volonté que Ronnie respecte religieusement. Pas de jugement, pas de question- c'est le deal. Le môme s’hasarde à ouvrir la bouche mais la barmaid répond bien vite à son interrogation, nullement exprimée. « t’as l’habitude de l’aiguille maintenant, ça ne devrait pas être trop désagréable … » D’un signe de tête, le tatoueur conduit sa cliente jusque dans l’arrière-boutique. « déshabille-toi. » Directif, comme à son habitude, Gray ne se veut pas pour autant irrévérencieux. Ses doigts, enveloppés de gants de protection, caressent légèrement la parcelle de peau, offerte. « si t’es prête, on peut commencer … »        

Une entrée comme elle sait les faire. Aussi délicate que marquante. Ronnie qui se retourne, et la voilà tout sourire, à défaut que ses yeux puissent refléter la même chose. « bien sûr que non, tu es le seul rendez-vous de ma journée. » un sourire ravi, presque heureux s’affiche sur ses lèvres. Contraste saisissant comparé à son regard encore embrumé du joint, pour cacher ses ressentiments, sa colère, la douleur d’une nouvelle descente dans le sud, les cris d’un cœur abimé.  « pas de problème. » « Parfait. » le bras tendu devant Ronnie pour qu’il admire l’œuvre. Qu’il admire l’œuvre de Night Vale. C’est ça l’ADN de cette foutue ville. Des gangs et tout ce qui va avec. Des tatouages et des cicatrices de balle perdue. Des appartenances ancrées dans la peau. Le regard du tatoueur semble se perdre. D’abord sur les écailles du reptile, puis dans le reste du tatouage, et pendant un bref instant, elle aurait presque l’impression que c’est sur con corps entier qu’il se perd. En tout cas jusqu’à ce qu’elle ne sorte son esquisse, ce dessin qui va finir lui aussi sur son corps.
« t’as l’habitude de l’aiguille maintenant, ça ne devrait pas être trop désagréable … » Une légère grimace qui passe sur sa gueule d’ange. Elle en est pas tellement convaincue. Oui, elle a l’habitude… Mais l’endroit diffère. « J’espère que t’as raison. » A cet endroit, la peau est fine, et Cass est affreusement sensible à tout contact sur son bas ventre ou ses hanches. Quelle idée que de s’y faire tatouer. Comme ce tatouage dont elle a toujours rêvé, sur les côtes. Une chance sur deux de ne pas supporter l’aiguille aussi près des os. Cass, elle est pas franchement certaine de réussir à sauter le pas un jour. Pas celui-là en tout cas. « au pire… tu te prends un coup si j’ai trop mal. » lache-t-elle, un sourire amusé sur le coin des lèvres en le suivant jusque dans l’arrière boutique. « déshabille-toi. » Ca la surprend toujours Cass, cette manière qu’a Ronnie d’être aussi directif. Une simple demande qui se transformerait presque en ordre auquel personne n’aurait envie de désobéir. Alors elle s’exécute. La jeune Shelby retire ses bottes pour être à l’aise, mais elle se débarrasse surtout de son mini-short en jean –pour le peu qu’il couvrait, lui laissant un meilleur accès au côté gauche de son bas ventre, à son aine. Un tatouage qui montera légèrement, parallèle à sa hanche, pour n’être qu’entre aperçu lorsqu’elle sera totalement fringuée. Elle prend place sur le fauteuil, le t-shirt légèrement relevé, laissant apparaitre une cicatrice encore bien trop fraiche, souvenir des nuits agitées du sud de night vale. Son sous-vêtement légèrement abaissé, Cass inspire profondément alors qu’il vient légèrement caresser sa peau, de ses doigts gantés et protégés. « si t’es prête, on peut commencer … » « J’vais pas reculer maintenant. » Le bruit familier de l’aiguille se met en marche, et le léger picotement sur son épiderme se fait sentir. Rien de bien douloureux pour le moment, seulement dérangeant, sur cette parcelle de peau relativement sensible. Alors Cass, elle tente de trouver une distraction, quoique ce soit qui lui ferait oublier que la sensation ne va que s’accentuer. Ses opales posées sur le tatoueur, Shelby se focalise sur la concentration sans faille de Ronnie. Sur cette manière qu’il a de laisser glisser ses doigts, doucement, sur sa peau, pour en faire un support stable, alors que l’autre la marque à vie. Les lèvres pincées, elle se retient de ne pas sourire, encore moins de rire. « Tu voudrais pas sourire plus souvent ? » L’aiguille s’arrête, et Cass glisse doucement son index sous le menton du tatoueur pour qu’il relève la tête vers elle. Un sourire amusé sur le coin des lèvres, elle hausse les épaules. « Sérieusement Ronnie… t’as une fille presque à poil sur ton fauteuil… Ca devrait au moins te faire sourire. » N’importe quoi pour le chercher un peu. N’importe quoi pour le taquiner et le faire sourire. N'importe quoi pour percer un peu le mystère qu'il est. « Enfin je voudrais surtout pas te déconcentrer… » Evidemment.