The big thief (léon)

@Léon Blues
Accoudée au comptoir de verre, Tara tentait de conjurer la chaleur qui faisait perler son front en s’éventant à l’aide d’un journal, elle avait beau être née ici, à Night Vale, elle ne s’était jamais faite à cette chaleur qui devenait d’autant plus écrasante et incommodante dans son palais d’objets poussiéreux qui empestait la misère d’autrui. Un capharnaüm où des parures grossières de bijoux côtoyaient des jouets d’un ancien temps, d’épais livres jaunis à la reliure de cuir craquelé par le temps écrits par des auteurs depuis longtemps disparus des meubles dépareillés et d’autres babioles à l’utilité oubliées. La quiétude dans laquelle la boutique était plongée depuis le début de l’après midi fut bientôt brisée par l’arrivée d’un jeune homme tatoué qui la salua d’un signe poli de la tête qu’elle lui rendit silencieusement avant qu’il n’entreprenne la visite de son cabinet de curiosités.
Ses prunelles se rivèrent sur les esquisses délicates qui recouvraient une grande partie de de l'épiderme du brun, caractéristique des plus commune pourtant dans cette ville de damnés. Captivée par ces chefs d’œuvres sur peau, elle faillit ne pas voir que le jeune homme dérobait sous ses yeux une montre en or enchâssée de pierreries, une beauté d’orfèvrerie, un joyau de l’horlogerie haut de gamme, dont elle ne comptait s’en séparer qu’à un très bon prix. Sidérée par le calme surréaliste de l’intriguant après son honteux délit, elle le suivit de ses opales ambrées, tandis qu’il regardait ou feignait de s’intéresser aux différents contenus des vitrines d’exposition.
Alors que l’inconnu se rapprochait dangereusement de la sortie, la belle dont les opales ambrées étaient soudain assombries par ses sourcils froncés, choisit ce moment pour se glisser hors de son comptoir pour appréhender le chapardeur. « Et tu comptes aller où avec ça ? » fit elle, ses mots aussi claquants qu’un fouet.

ennui. un mot, quelques syllabes, de trop nombreuses lettres.
ennui. le mot qui claque comme un fouet sur la peau dénudée.
léon tourne en rond comme un lion. léon ne sait pas quoi faire, léon n’a pas envie de s’intéresser à la cote en bourse de l’entreprise qui lui sert de couverture : nouveau dandy reconvertit. si les demoiselles s’arrachent sa présence aux cocktails et le répertoire dudit dandy croule sous les numéros féminins, la lassitude qui s’est enroulé autour de son myocarde le laisse de marbre.
il n’a envie de rien. pas de voir le gang, pas de voir une quelconque hirondelle à la chevelure solaire pour lui rappeler (ou oublier) lola. il pourrait très bien rester à lambiner dans l’appartement trop grand (qu’il ne peut s’empêcher de ne pas réellement apprécier, sans trop en comprendre les raisons…) et pourtant ses jambes trépignent d’impatience de faire quelques foulées dans les rues bondées. il se lève alors paresseusement et traîne sa carcasse blasée jusqu’à la porte de l’appartement, qu’il ne tarde pas à quitter.
âme en peine qui erre sans but dans les rues échauffées d’un night vale déséquilibré par les changements climatiques, léon flâne jusqu’à trouver le magasin ou le bar qui saura éveiller son intérêt… et c’est à ce moment précis qu’il pose les yeux sur la vitrine d’un bouiboui sans prétention qui ressemble étrangement à un antiquaire… en différent. il entre alors dans la boutique et, d’humeur affable, prend le temps de saluer la tenancière d’un signe de tête.
c’est rare qu’il prenne le temps de dire bonjour, léon, même de cette manière. comme quoi, tout arrive… il se balade dans les allées, le nez légèrement chatouillé par l’odeur de poussière qui y règne. et c’est là qu’il repère un joyau : léon ne vole jamais lui-même, préférant être le cerveau de l’opération qui reste en sûreté quelque part et envoie les pigeons se faire coffrer. des pions, c’est tout ce qu’ils sont. (il tait l’affection qu’il éprouve et qui l’empêcherait de les laisser aller au casse-pipe sans s’en mêler). néanmoins, léon se sent téméraire malgré toute cette lassitude qui l’étreint, et c’est pourquoi il porte la main à l’objet pour l’enfourner dans sa poche dans le geste le plus discret qu’il puisse effectuer. le délit faisant tambouriner le palpitant dans sa poitrine (pourtant habitué à avoir plus d’adrénaline qu’un petit vol tel que celui-ci…), léon se dirige vers la porte avec un sourire satisfait.
pourtant, rien n’échappe aux yeux perçants de la jolie brune.
« Et tu comptes aller où avec ça ? »
il hausse les épaules, lève les mains en l’air sans chercher à dissimuler l’objet de son larcin.
« chez moi, pourquoi ? »
sourire arrogant qui nimbe ses lippes rehaussées d’une barbe mal rasée. léon est orgueilleux, léon pense ne craindre rien ni personne…
« cette montre de pacotille ne vaut pas le prix que vous m’en demanderez. laissez-moi partir et nous pourrons nous arranger… je la revendrai au triple. »
il lui adresse un signe du menton suffisant, persuadé que son petit manège va fonctionner. parce que léon, il est certain de pouvoir en avoir un meilleur prix qu’elle… mais léon, il partagera jamais. pas avec une inconnue, pas avec quelqu’un dont il se fiche comme de sa première bagarre (et encore, le souvenir est plus impérissable encore).
« on fait un 25-75 pour moi. »
prévisible, évident, léon veut garder la plus grosse part du gâteau alors qu’il n’est qu’un voleur de bas-étage essayant de dérober ce qui ne lui appartient pas. il est persuadé que la jeune fille ne se laissera pas rouler mais la tendance à prendre les gens pour moins intelligents qu’ils ne le sont est l’un de ses plus grands défauts. au fond, il vaut mieux prendre les gens pour des cons et parvenir à ses fins que les surestimer et se faire rouler…

@Léon Blues
Le vol, un honteux délit que les forces de l’ordre ne se donnaient plus la peine de réprimer. La loi du plus fort, du plus rusé semblait être la seule à primer dans cette ville entravées dans de sombres forfaits. Night Vale. Sentier de perdition pour de pauvres âmes qui cherchent seulement un avenir dans cette ville martyr. Royaume sablonneux des destins et des rêves brisés, des corps troués à force de flirter avec la fatalité , le danger. Dans ce dessert pire que l’enfer, il n’était pas question de vie, mais de survie. De ne pas céder aux chants tentateurs des sirènes qui menaient à la déchéance, à la violence.
Les bras refermés sous sa poitrine, Tara interpella le voleur le jaugeant d’un regard réprobateur. Pour qui se prenait il à vouloir s’accaparer en tout impunité le fruit de son dur labeur ?
Les iris ambrés de la poupée s’enfiellaient tandis que l’enfoiré, lui, souriait satisfait de son méfait, levant dans son poing refermé l’objet volé sans une once de regret, de culpabilité.
« Si c’est vraiment de la pacotille, je ne vois pas pourquoi tu la vendrais plus cher que moi » répliqua la poupée, confrontant le présomptueux à son projet douteux.
« Tu crois vraiment que tu vas m’avoir ?» demanda t-elle au jeune homme loin d’être charmée par sa contrevérité. Elle avait si souvent côtoyé des arnaqueurs qu’elle connaissait leurs tours de prestidigitateurs par cœur. « Je connais que trop bien les gars comme toi ». Des voyous de bas étages, des doux rêveurs qui osaient tutoyer le rêve d’une vie meilleure, d’une place au soleil dans un monde qui n’en avait plus à leur offrir.

« Si c’est vraiment de la pacotille, je ne vois pas pourquoi tu la vendrais plus cher que moi »
jolie plante vivace habillée d’épines qui n’apprécie guère le ton léger et l’attitude jovial du voleur venu la dérober. léon sourit de toutes ses dents, peu enclin à cacher le fait qu’elle est parvenue à l’amuser. l’arrogance déborde toujours par tous ses pores quand il clame, le menton légèrement relevé :
« parce que je suis un très bon revendeur. c’est mon métier d’arnaquer des gens pour leur vendre de la merde dix fois son prix. »
il s’esclaffe. il devrait peut-être feindre d’être outré par son geste léon, mais ce serait mentir… et c’est vrai (hrm…) que léon brille par son honnêteté. en vérité, si les blues ment si souvent, c’est pour mieux sauver la peau tendre de son délicat fessier. il a pourtant toujours préféré l’honnêteté aux mensonges et la vérité sort de ses lèvres entrouvertes dès que faire se peut.
« Tu crois vraiment que tu vas m’avoir ?»
il tourne la tête de droite à gauche, visiblement déçu et contrarié.
« premièrement, on va se calmer tout de suite sur la familiarité. ensuite, je ne crois rien du tout. je n’essaie pas de « t’avoir » mais de conclure un accord. »
il mime les guillemets pour appuyer ses propos malgré toutes les conneries qu’il déblatère. et puis après tout, il pourrait presque y consentir, de faire un 25-75. il faut juste qu’elle cesse de geindre et de grogner en montrant les crocs comme un animal sauvage. léon est un sale con qui ne demande qu’à les dompter, les animaux rebelles.
« Je connais que trop bien les gars comme toi »
la déception cède lentement la place à une colère froide sur son minois. plus de gentillesse, qu’une rage sourde et un regard tellement glacial qu’il fait froid dans le dos.
« c’est tellement bien de stigmatiser les gens, de les descendre… tu ne connais rien de moi, alors tu vas te calmer tout de suite princesse. tu risquerais d’avoir des problèmes… ou de te casser un ongle. »
il la toise de haut en bas, la jaugeant et la jugeant autant qu’elle l’a fait. s’il y a bien une chose que léon ne supporte pas, c’est bien d’être jugé à la va-vite sur ses gestes. si les gens étaient moins cons, la société cesserait sans doute de s’enliser.
« je préfère certainement endosser ce rôle qu’être une personne inutile de plus. »
pique acérée envoyée à la volée. léon est bien trop en rogne à présent pour envisager un deal quelconque. il repartira avec la montre qu’il a dérobé parce qu’elle lui doit bien ça, après l’avoir catégorisé dans une case qu’il n’occupe même pas ! si elle savait tout ce qu’il est…
elle la fermerait.