guns in the summertime (apollo)

De l'apparence presque classieuse de l'homme on ne peut ignorer l'intérieur – pourri, vil, parce qu'il transparaît. Il serait ridicule de croire que la nature même d'une personne ne peut se voir dans la pureté d'une fossette, ou dans une démarche mille fois contrôlée. Car même dans les aspects les plus régentés de son apparence, voilà que le monstre surgit. Il suffit que son regard se fasse rêveur un instant pour qu'on le voit enfin, pour que son sourire s'égare et ses commissures se contractent un instant et laissent dans cette mimique seule une impression de déjà-vu, renvoyant immédiatement aux souvenirs et aux contes de l'enfance. Car il est de ceux-là, des horreurs des livres qui servent d'avertissement, sauf que celui-là a décidé d'avoir la dégaine du prince en plus de celui de l'odieux tortionnaire. Par ailleurs, le fond d’œil n'est pas si grandiose qu'on pourrait attendre, pas forcément porteur d'un côté malin ou de quelque chose de terrible – c'est un regard un peu sombre, qui s'éveille parfois devant une belle chose, mais ses prouesses s'arrêtent là. De sa nature un peu monstrueuse et définitivement pathétique, s'extrait une maladresse. On peut mettre de côté ce qu'on sait ou ne sait pas de sa violence, et de ses coups de colère. Sa maladresse s'exprime de la même manière qu'un géant dans les petites merveilles de la vie, et lui c'est dans les livres. Les mots qu'il a du mal à lire, les phrases qui sont trop longues pour sa basse compréhension du tracé – ça le fait trembler. Les livres sont pourtant alignés dans une étagère de sa chambre, la reliure touchée du bout des doigts avec l'impression de caresser le divin. Car la divinité réside dans ce qu'il ne peut atteindre tout en étant juste sous son nez. Et s'il lit peu pour s'éviter la honte et la déception, voilà qu'il en va de même avec l'écriture. Quand ça lui arrive, quand la situation l'intime, Apollo tâche de rendre ses lettres les plus illisibles possibles pour que les seuls reprochent s'axent sur sa manière de former les mots et non sur sa connaissance -  ses combines sont enfantines et mauvaises, sa honte grande et ridicule.  C'est l'oral qu'il aime, ce qui glisse jusqu'aux oreilles, ce que sa bouche forme par des sons et des contractions de la langue. Le mauvais lecteur est un bon orateur, car la voix a la finesse de ne pas laisser de traces, de s'évaporer et de ne laisser derrière elle qu'une impression, qu'une émotion qui ne connaît ni les fautes ni l'hésitation.

Ses hontes personnelles vont au delà de la simple peur du littéraire. Et encore une fois, nous parlerons de la nature, de l'origine, et des conséquences de ce mal être. Celle-là est emprise d'ironie, et il n'est pas difficile de voir s'étaler sur le visage de ceux qui écoutent cette histoire un sourire mille fois moqueur. Il est comme bien des monstres, boiteux. La terrible réalité se retrouve du monde moderne jusqu'à la mythologie, et est trop de fois associée aux plus affreuses personnalités – mais aujourd'hui, elle vise juste et bien. C'est une balle perdue, une balle de son propre camp et famille lors d'un essai de tire qui a lié cet homme définitivement aux représentations anciennes. Une balle qui s'est logée dans son genou, une balle qui lui a arraché un cri de douleur et une peur quant au futur. De ce jour, il lui est impossible de le plier, impossible de simplement marcher sans l'aide d'une canne qu'il ne peut s'empêcher de haïr. Ce n'est pas imposant comme on pourrait le croire, ce n'est que d'une moindre élégance. Sa démarche est lente, les pas sont limités. Et bien que les chaises devraient être privilégiées, jamais Apollo ne veut donner à l'autre une raison de prendre le dessus, alors il reste tant bien que mal debout, refuse la moindre place offerte. Des conséquences de cette infirmité en est une majeure, qui n'est rien d'un refus total de participer de près ou de loin à toute activité physique de peur de l'humiliation, mais très étrangement, c'est de là qu'est née sa tyrannie de l'esthétisme. Au début, ça n'a commencé que par le pommeau de sa canne, que pour les gravures du bois où encore les tatouages sur son corps, par finir par dicter le moindre aspect de sa vie.