let you down (nova)

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La rage au ventre, le pied sur l'accélérateur. Il la déteste, putain. Il la déteste parce qu'elle sait très bien qu'il ment quand il la traite de salope par sms, quand il lui assure qu'il pensait rien de c'qu'il lui a dit hier soir. Bien sûr qu'il le pensait, ça fait aucun putain de doute. Il la déteste parce qu'il a pas envie de l'aimer, parce que c'est trop compliqué et qu'ils sont plus censés se parler. Il la déteste pour raviver tout ce qu'il avait éteint, pour le foutre dans des états pareils, pour s'être glissée sous sa peau une nouvelle fois. Il la déteste et elle a explosé sa caisse et il peut pas l'aimer. C'est interdit. C'est la seule putain de règle. Mais il peut pas s'en empêcher.

C'est dans le désert qu'il la trouve. Un coup de frein fait crisser les pneus de son impala. Il descend, il claque la porte. Nova, il la chope à la gorge tout comme elle lui fout un coup de poing dans le ventre à chaque fois qu'elle le regarde comme ça. Plus de masque froid. Sa gueule d'ange est défigurée par la colère. Il lui en veut. « Pourquoi tu fais ça ? » Il lui demande pas pourquoi elle a explosé sa caisse, ça il le sait très bienIl lui demande pourquoi elle survit à sa mémoire, pourquoi quand il la regarde il a plus envie de la tuer, pourquoi elle lui manque quand elle est pas là, pourquoi il arrivera jamais à la quitter. « Ca t'amuse ? C'est un jeu pour toi ? » Brisure de coeur dans sa voix rocailleuse. Si elle savait tout c'qu'il risquait, peut-être qu'elle s'abstiendrait. Si elle savait que son père le tuerait de ses propres mains s'il les voyait, peut-être qu'elle arrêterait. Ou peut-être pas, justement. Elle a peur de rien, Nova. Et encore moins de lui.

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Regard levé vers les étoiles, visage vide de toute émotions, iris perdues dans un désert sans fin. Couchée sur le capot de sa voiture, Nova laisse les secondes s’écouler. Poitrine qui se soulève au gré de ses respirations, elle est immobile. Elle est immobile et à l’intérieur, il y a une guerre qui se joue. Rage qui coule dans son sang, sentiment de trahison qui laisse un gout amer sur sa langue. Elle est furieuse, Nova et ce soir, il n’y a rien qui peut la calmer. Elle s’est réveillée ce matin et Tommy s’était barré. Aucune surprise dans ce geste. Mais cela n’a pas atténué la douleur pour autant. Il s’est barré, comme si elle n’était rien. Il s’est barré et il a tourné le dos à elle, à eux, à tout ce qu’ils étaient, à tout ce qu’ils auraient pu être. Il a choisi les Capulet, une fois de plus, une fois de trop.  

Elle a bousillé sa caisse, elle a tout saccagé. Un coup de sang, un coup de tête, de toute façon quand elle est dans cette humeur, il n’y a rien qui l’arrête, à Nova. À lui non plus. Alors quand sa voiture crisse à côté de la sienne, elle n’est pas surprise. Tout a toujours été trop fort entre eux. A l’amour, à la haine. Il n’y a aucune différence. Elle se relève, pas le temps de bouger plus. Il la chope à la gorge, elle lui fout une baffe en retour. Ça ne l’arrête pas, non, mais ça lui fait un bien fou de se défouler. « Pourquoi tu fais ça ? » Elle lui rit au nez, laisse éclater sa colère dans cet éclat de rire. Le nargue, nargue les étoiles qui n’ont jamais rien voulu d’autre en eux. De la haine à l’état pur, le moment où tout explose une bonne fois pour toute. « Ca t'amuse ? C'est un jeu pour toi ? » Il hurle, il a le visage déformé par tout ce qu’il ne lui dit pas. Il ne parle pas la voiture, mais elle non plus. « Va te faire foutre, Thomas. Tu t’es barré, t’as aucun droit de me poser ces questions. » Parce qu’il l’a laissé en plan, parce qu’il a réussi à faire ce qu’elle n’aurait jamais eu la force d’accomplir. Lui tourner le dos, juste comme ça. « Je t’ai tout donné hier soir, je t’ai laissé tout voir. Tout, tu entends ? » Elle s’est mise à nu, devant lui. Et pas seulement en se déshabillant. En le laissant revenir dans sa vie, en l’acceptant dans son lit, en lui parlant de ses doutes, ses peurs et ses rêves. En rêvant encore et encore, en se disant qu’il était encore temps de trouver une solution. « Et toi tu t’es barré. T’es qu’un lâche, c’est tout ce que t’es. »

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Le vide, à perte de vue, le vide et il respire fort pendant qu'il lui serre la gorge. Il la tuerait sur le champ si c'était pas elle. Il la tuerait parce qu'elle lui fait trop mal et il peut pas survivre à ça. Pas une nouvelle fois. « Va te faire foutre, Thomas. Tu t’es barré, t’as aucun droit de me poser ces questions. » Entre eux, c'est la colère des promesses qu'il a pas tenues. C'est ses erreurs qui lui éclatent à la gueule à chaque fois qu'elle l'appelle Thomas et qu'elle le regarde comme s'il valait plus rien. « Je t’ai tout donné hier soir, je t’ai laissé tout voir. Tout, tu entends ? » Il le sait, qu'il a merdé, qu'il a tout explosé. Elle a cassé sa caisse parce qu'il a cassé son coeur, mais il aurait pas pu faire autrement, il voulait pas lui dire au revoir, il voulait pas lui dire adieu. Alors il a rien dit avant de claquer la porte. Il l'a regretté sur le champ. Il le lui dira pas. Même pas en rêve. « Et toi tu t’es barré. T’es qu’un lâche, c’est tout ce que t’es. » Il baisse les yeux, son ego supporte pas l'injure. Il la lâche et il s'écarte. Ca y est, il veut plus la voir, il peut plus la regarder en face. Il sait pas s'il va s'en sortir. Nova, c'est un séisme, quand elle est revenue dans sa vie, elle a détruit toutes ses certitudes. Il réfléchit, il fait quelques pas, comme s'il avait les idées plus claires à trois mètres d'elle. Du silence, on entendrait presque le bruit des vagues. « J'aurais dû faire quoi selon toi ? » Sa voix est plus calme quand il se retourne vers elle. Il lui en veut encore, mais il est paralysé par la peur de la perdre. Pour de bon cette fois. « Rester pour que tout l'monde me voit ? » A Night Vale, les bruits courent aussi vite que le soleil. Et la nuit dernière, quand il a traversé la verone à toute allure pour la retrouver, c'est pas passé inaperçu. « J'peux pas risquer ça et toi non plus Nova ! » Un jour, il sera à court d'excuse pour expliquer à sa famille que c'est pas pour une fille qu'il collectionne les sourires. Un jour, ils se trahiront, rien pourra les sauver, et il se le pardonnera jamais. « Toi non plus. »

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Il y a ces quelques mètres qui les séparent, et c’est comme si c’était un précipice entre eux. Un silence qu’elle ne brise pas, un silence qui veut tout dire. Peut-être qu’elle doit se rendre à l’évidence. Entre eux, ils ne restent que des souvenirs et rien d’autre. Peut-être oui, mais Nova, elle n’est pas prête pour ça. « J'aurais dû faire quoi selon toi ? » Elle lève les yeux au ciel, secoue la tête. Il connait la réponse à sa question. Il ne veut simplement pas l’entendre. « Rester pour que tout l'monde me voit ? » Elle le sait, que cela serait du suicide. Qu’ils se feraient abattre tous les deux, parce que rien d’autre que le sang compte, à Night Vale. Qu’il est un Capulet, qu’elle est une Montaigu, et que le reste, ça n’a pas d’importance. « J'peux pas risquer ça et toi non plus Nova ! » Il se trompe. Il y a rien qu’elle ne peut pas risquer. Même si c’est une erreur, même si ça doit la tuer. Nova, elle n’a rien de raisonnable. Nova, elle ne connait pas de limite. Et c’est bien le problème. « Toi non plus. » Elle soulève un sourcil, se demande qui il tente de convaincre. Ça la fout en rogne, parce qu’il y a un temps, il aurait été le premier à emmerder le désert et à défier les étoiles. A défaire les lois en un claquement de doigts, juste parce que ça l’amusait. Mais les années ont passé. Et il est temps qu’elle ouvre les yeux. Elle n’est plus une enfant. « Ne me dis pas ce que je peux risquer ou pas. » Elle secoue la tête, encore et encore. N’arrive pas à croire qu’ils en soient arrivés là, les deux gosses inséparables. Au bord du précipice, prêt à plonger la tête la première dedans. Au point de non retour. « Tu le sais, que quand on est tous les deux, on peut faire face à tout. C’est plus à prouver. » Non, parce qu’ils l’ont fait de nombreuses fois et qu’importe leur âge maintenant. Il y a des choses qui ne peuvent pas changer, c’est comme ça. « Mais t'as sans doute raison. Tu ne peux pas risquer ça. »

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« Ne me dis pas ce que je peux risquer ou pas. » Elle aime lui rappeler qu'elle est indomptable, comme s'il ne le savait pas déjà. Il la connaît mieux que personne dans cette putain de ville, les années n'y ont rien changé. Il pourrait la réciter par coeur, Nova, s'il le voulait. « Tu le sais, que quand on est tous les deux, on peut faire face à tout. C’est plus à prouver. » Il baisse le regard, pas parce qu'elle a raison, mais parce qu'elle se trompe. Ils pourront pas faire face à la mort. Pourtant, c'est à ça qu'ils sont condamnés, si jamais ils choisissent de s'aimer.  « Mais t'as sans doute raison. Tu ne peux pas risquer ça. » Le risque, c'est son excuse favorite à Tommy. Celle qu'il sort toujours pour pas parler du vrai problème. Mais là, à ce moment là, elle le fout dos au mur, et il déteste ça. Alors, il a pas d'autre choix que d'abîmer son coeur. La vérité, c'est que c'est pas la première fois qu'il y pense, à Nova, à eux, à la retrouver et à foutre le camp. La vérité, c'est qu'il a fini par se convaincre que c'était impossible. Le coeur en forteresse, il a saccagé tous les espoirs, il reste plus rien dans son regard noir. « Qu'est-ce que tu proposes, alors ? Qu'on s'cache pour l'restant d'nos jours ? » Se cacher, c'était à la fois ce qu'il y avait de plus facile, et ce qu'il y avait de plus dur. Il le savait, qu'ils en voudraient toujours plus, et qu'à force de grappiller des secondes, ils finiraient par crever pendant des heures.  Le fond du problème, c'était qu'ils se manquaient trop pour s'accorder seulement dix heures dans une journée. Il était même pas sûr que vingt-quatre heures suffiraient. « Tu pourras l'supporter combien de temps, de m'voir que l'soir ? Parce que moi, j'le supporterai pas. » Il a l'impression de cracher ses tripes quand il lui parle. Ca lui fait mal, de lui dire tout ce qu'il a gardé sous silence pendant toutes ces années. Il secoue la tête. Il restait une autre solution. La seule qui semblait viable, c'était de s'enfuir, à deux, comme ils se l'étaient promis, y a des siècles de ça, quand ils avaient encore le choix. Mais aujourd'hui, il était plus lucide. La vérité, c'était que Night Vale les avait emprisonné depuis le début. On les avait forgé pour cette ville et pour aucune autre. A l'extérieur, ils ne survivraient pas. Ils étaient pas comme le reste du monde. Comme les gens qu'on voit dans les films ou à la télé. Ils avaient pas d'avenir. « Non, c'est vrai, on pourrait s'enfuir toi et moi, pas vrai ? Avec quel fric, Nova ? Celui de tes braquages ou celui d'ma came ? »

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« Qu'est-ce que tu proposes, alors ? Qu'on s'cache pour l'restant d'nos jours ? » Ils faisaient ça, avant. Se retrouvaient dans des endroits qu’eux seuls connaissaient, loin du regard de leurs familles. Loin du regard des gangs. Mais avant, ils n’étaient que des gosses et tout semblait plus simple. Avant, il n’y avait pas eu cette nuit, qui a fait exploser toutes les limites qu’ils s’étaient toujours fixées sans même le savoir. « Tu pourras l'supporter combien de temps, de m'voir que l'soir ? Parce que moi, j'le supporterai pas. » Elle ne le contredit pas, elle ne pourrait pas. Quand elle est avec lui, il n’y a rien d’autre qui compte. Quand elle le touche, elle oublie tout le reste. Le problème, c’est qu’elle n’en a jamais assez. C’est qu’elle veut toujours plus. « Non, c'est vrai, on pourrait s'enfuir toi et moi, pas vrai ? Avec quel fric, Nova ? Celui de tes braquages ou celui d'ma came ? » Yeux levés en réponse à son ironie, elle descend du capot de sa voiture et se met à tourner en rond. Fauve en cage qui ne fait que marcher pour oublier, une sortie qui refuse de se dévoiler. Elle le sait, pourtant, qu’il y a une autre solution. Elle le sait, parce qu’il ne peut pas en être autrement. Que tout ne peut pas juste s’arrêter comme ça, à cause du sang qui coule dans leur veine, à cause d’une ville qui les retient prisonniers, à cause du désert qui se joue d’eux. « Il y a une autre solution. On l’a juste pas encore trouvée. » Mais sa voix flanche et elle déteste ça. Elle déteste se retrouver face au mur, avec aucun échappatoire. « On est plus des gosses, on a plus les mêmes armes qu’avant. Il y quelque chose qui nous a échappé. » Quelque chose qui n’inclue pas de retrouver leur corps dans le sable. Quelque chose, oui, mais son esprit se refuse de lui livrer. Elle est bien trop angoissée à l’idée de le perdre. À l’idée qu’elle l’a déjà perdu, mais qu’elle est la seule à ne pas le voir. « Mais t’as déjà renoncé, pas vrai ? Parce que tu veux même pas de ces quelques heures. T’as préféré te casser. Elle est là la vérité. »

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Regardez-les, à se tourner autour sans oser se toucher. Ils ont pas peur du contact. Ils ont peur du manque inévitable qu'il provoque. Ils ont pas peur de se battre. Ils ont peur de ce qui arriverait si jamais ils arrêtaient. Les prisonniers, incarcérés dans leur prison imaginaire, croient encore qu'ils ont le luxe d'hésiter. Ils perdent du temps, parce qu'ils ont plus une seule seconde à gagner. Il la regarde pas. Elle le regarde plus. Si on les connaissait pas, on pourrait croire qu'ils étaient prêt à se dire adieu. Grave erreur. « Il y a une autre solution. On l’a juste pas encore trouvée. » Y a pas de solution, il a retourné l'histoire dans tous les sens. Tous les scenarios qu'il avait pu imaginer avaient exactement la même fin. Des fleurs reposant sur une tombe et la vie continue. « On est plus des gosses, on a plus les mêmes armes qu’avant. Il y quelque chose qui nous a échappé. » Il sait pas ce qui la trahit en premier : sa voix qui flanche ou sa persévérance. Et puis, y a le fait qu'elle était assez en colère pour avoir explosé sa caisse. La fureur, ça cache toujours autre chose chez eux. Quand ses yeux se reposent sur elle, il comprend. Elle est aussi désespérée que lui. Et ça lui troue le coeur. « Mais t’as déjà renoncé, pas vrai ? Parce que tu veux même pas de ces quelques heures. T’as préféré te casser. Elle est là la vérité. » S'il était assez courageux pour hurler la vérité, il lui dirait qu'elle a tort. Qu'il aurait tout donné pour avoir une minute de plus. Il avait juste voulu les épargner, Tommy. Il a pas envie de la voir crever de malheur. Il a pas envie de la voir se fâner pendant les heures où ils pourront être rien d'autre qu'un secret. Il a pas envie qu'elle finisse par le détester pour un nom qu'il a pas choisi. « Ah, elle t'arrange bien cette vérité, hein ? Tu kiffes ça quand c'est moi l'coupable. » Il trouve ça facile de l'accuser. Comme si c'était de sa faute, s'ils pouvaient pas se voir. Comme si elle connaissait pas aussi bien qu'lui le bruit des coups de feu. « Crois c'que tu veux, Nova, j'm'en fous. » Y a qu'elle pour foutre le feu dans son coeur et cramer toutes ses certitudes. Y a qu'elle pour lui faire perdre ses moyens, comme ça. D'habitude, il choisit ses mots. Il prêche en silence. Là, il prend à peine le temps de respirer entre deux mots.  « Tu sais pourquoi j'suis parti. Tu l'sais putain, dis pas l'contraire allez, et tu sais qu'c'est pas parce que j'en avais envie. Tu l'sais. »

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« Ah, elle t'arrange bien cette vérité, hein ? Tu kiffes ça quand c'est moi l'coupable. » Aucun d’eux n’est responsable de tout ce merdier. La vérité, c’est qu’ils n’ont rien demandé à personne. Ils se sont rencontrés avant de comprendre ce que leur nom signifiait, ils se sont aimés avant de réaliser qu’ils n’appartenaient pas au même monde. Et quand ils ont ouvert les yeux, il était déjà trop tard. « Crois c'que tu veux, Nova, j'm'en fous. » Ils ne font que survivre depuis des années. Elle a tenté de composer avec le vide laissé par son départ, a tenté d’oublier. De faire sa vie aussi, de se sortir de là. Mais elle a toujours échoué. Alors quand il lui dit qu’il s’en fout, de ce qu’elle peut croire, elle lui rit au nez. Elle a arrêté de se bercer d’illusions. Sans lui, elle n’arrive à rien. Elle ne lui avouera sans doute jamais, parce qu’elle le sait, qu’il va finir par lui arracher le coeur. Dans quelques minutes, dans quelques semaines. Cela ne fait pas de différence. Elle connait déjà la fin de tout ça. « Tu sais pourquoi j'suis parti. Tu l'sais putain, dis pas l'contraire allez, et tu sais qu'c'est pas parce que j'en avais envie. Tu l'sais. » Colère qui retombe comme un soufflet, elle arrête sa marche un peu brutalement. Il n’a rien compris. Elle ne lui en veut pas parce qu’il est parti ce matin. Elle lui en veut parce que son départ signifie qu’il a renoncé. Sans un mot, même pas un griffonné sur un bout de papier. Il ne se battra pas. Il n’essayera même pas. Et ça lui tord le coeur, lui coupe le souffle. Ce n’était pas qu’un simple départ. C’était la dernière fois qu’il comptait la voir. C’était un adieu. « Alors qu’est-ce qu’on fait, Tommy ? » Un chuchotement dans la brise du désert, la fatigue qui rend chacun de ses mots plus lourds. Elle ne sait même plus pourquoi ils sont là, pourquoi ils s’affrontent. Il n’y a plus grand chose qui a de sens. Il n’y a plus grand chose qu’elle puisse faire. La fin est là, juste devant eux, il n’y a que elle qui ne veut pas la voir. « S'il n'y a rien à faire, s'il n'y a pas de solution. Qu'est ce que tu fous ici ? Pourquoi t'es venu ? »

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Entre eux, il n'y avait qu'une seule certitude. Ils avaient beau prétendre le contraire, ils n'étaient pas libres et ils ne l'avaient jamais été. La regarder, ça lui faisait mal parce qu'il savait pertinemment qu'ils seraient jamais comme les autres. Ils avaient pas le luxe de s'aimer à ciel ouvert, de se tenir la main dans les rues, ils pouvaient même pas être vus ensemble. Ca lui faisait mal, physiquement, de la contempler et de regarder s'effondrer tous leurs espoirs. Autour d'eux, y a plus rien, autour d'eux y a que le désert et son silence sans appel. Dévoré par les regrets, il pouvait rien regarder d'autre pourtant, Tommy. Le paysage avait pas fière allure à côté d'elle. « Alors qu’est-ce qu’on fait, Tommy ? » Il en sait rien. Il veut pas lui dire au revoir, mais il peut plus rien lui promettre. L'idée même que quelqu'un d'autre pourrait la rendre heureuse lui troue le coeur mais il sait que s'il fait un pas de plus vers elle, c'est la mort assurée pour l'un d'entre eux. Y aura forcément un jour où ils se retrouveront à pointer leur flingue l'un sur l'autre et cette fois ci, faudra tirer.   « S'il n'y a rien à faire, s'il n'y a pas de solution. Qu'est ce que tu fous ici ? Pourquoi t'es venu ? » Il lui en veut de le regarder comme s'il avait les réponses à toutes ses questions. Il en sait rien, c'est c'qu'il se tue à lui dire mais elle comprend rien. Et lui, il aurait aimé être assez courageux pour se tirer sans rancune et sans regret. Mais ça se passe pas comme prévu. Au lieu de se barrer, il reste. Au lieu de reculer, c'est vers elle qu'il avance. Au lieu de l'éviter, il a ses mains autour de son cou, cette fois-ci il serre pas. Nova, sous ses doigts, la colère dans leurs yeux quand ils s'affrontent du regard. Pendant qu'elle se demande s'il va encore partir, il se demande combien de temps il leur reste. « Pour faire parler les cons. » Sourire de diable sur une gueule d'ange, pour briser le masque. Les souvenirs ravivent le feu dans ses yeux, une explosion dans ses prunelles noires, comme à l'époque où c'était eux contre le reste du monde. Mais ils ont grandi et les époques s'effacent, son visage tout près du sien raconte une autre histoire. « Parce que j'suis pas aussi lâche que tu l'dis. » Il s'est pas posé de questions quand il a vu l'état de sa caisse, quand il a lu ses messages, quand il s'est barré. Il avait déjà envie de la revoir, comme un addict a besoin de sa came. Lui, il a besoin d'elle. Même si ça le tue de le dire à voix haute. « Et parce que j'crois que j'préfère crever avec toi que vivre sans toi. »

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Il a ses mains sur sa peau et elle a son souffle qui se coupe. Plus de colère, plus de rage, plus de panique. Un contact, un regard, une seconde. Ça lui fait peur, de se dire que c’est tout ce qu’il a eu besoin pour l’arrêter. De voir qu’il a autant de pouvoir sur elle. Mais Nova, il y a des choses contre lesquelles elle ne peut pas se battre. Contre lesquelles elle a choisi de ne pas se battre. Leur lien, ce qu’ils partagent, ce qu’ils ont, c’est gravé dans sa peau, dans ses os, c’est du genre indélébile, du genre vital, aussi. « Pour faire parler les cons. » Il a un sourire qui contraste avec son visage, elle a ses lèves qui s’étirent, c’est un réflexe. C’est le genre de choses qu’ils disaient, avant. Qu’ils revendiquaient, même. Eux contre le reste du monde, eux contre le désert et les étoiles. Sauf qu’aujourd’hui, ils risquent gros. Ils ne sont plus des gosses. Une balle dans la tête, une tombe inconnue, voilà ce qui les attend. Rien d’autre. « Parce que j'suis pas aussi lâche que tu l'dis. » Elle le pensait pas vraiment, quand elle a dit qu’il n’était qu’un lâche. Coup de colère, coup de sang, des mots pour blesser, des mots destinés à tout faire exploser. Il n’y a pas grand chose qu’elle maitrise, dans ces moments là. « Et parce que j'crois que j'préfère crever avec toi que vivre sans toi. » Regard figé sur son visage, elle cherche le moment où il va se défiler. Où il va reprendre ses mots et se barrer, comme il l’a fait ce matin. Mais elle fait fausse route. Elle a explosé sa voiture de collection, elle l’a insulté, elle l’a provoqué. Il aurait du la tuer et la jeter dans la rue, à la vue de tous, parce que c’est comme ça que doivent finir les Montaigu lorsqu’ils frôlent d’un peu trop près les Capulet. Elle le sait, qu’il a le coeur dans le même état que le sien. Au bord de l’explosion, incapable de laisser l’espoir prendre le dessus. Et ça fait mal, ça aussi. « Je t’interdis de crever. » Des paroles qui fusent avant qu’elle n’ait eu le temps d’y penser, un cri du coeur qui la déchire. Elle n’y survivrait pas. Sous ses apparences, sous son allure, sous sa carapace, elle ne tient qu’à un fil, Nova. Un fil avec lequel elle joue un peu trop. C’est facile, de faire comme si elle se foutait de tout. Comme si rien n’avait d’importance, comme si rien ne pouvait l’arrêter. La vérité, elle est différente. La vérité, elle est criante à cet instant. Devant lui, mains qui viennent attraper ses poignées, yeux qui brillent un peu trop, elle crève de peur. « Je le supporterai pas. » Ton tendu, pour tout ce qu’elle ne dit pas, pour tout ce qu’elle passe sous silence. Tout ce qu’elle est incapable d’avouer, à cet instant, parce que c’est trop douloureux. Elle n’y survivrait pas. C’est aussi simple que cela. Et avant que cette menace ne devienne trop réelle, elle a ses lèvres qui viennent s’échouer sur les siennes. Comme pour défier tout ce qui les attend dans l’ombre, comme pour provoquer ce destin qui ne veut pas d’eux. Baiser qui s’éternise, les souffles qui se perdent, deux corps qui se rapprochent jusqu’à effacer ce vide qui lui fait mal. Intensité qui vient faire cogner son coeur un peu plus fort contre sa poitrine, les poumons qui menacent d’exploser sous le sentiment d'urgence, mais elle s’en fout. Une minute pour une éternité, une nuit pour des milliers. Si c’est tout ce qu’ils ont, alors ainsi soit-il.