(tommy) refugees

these ghosts of ours, we sent away

Ombre qui se faufile dans la nuit, une fenêtre entrouverte qui la fait sourire. Des imprudents. Juste parce qu’ils sont persuadés de posséder le monde. Et quelque part, ils n’ont pas tort. Mais cette ville ne les appartient pas. Parole de Crimson. Baraque qui brille un peu trop, la Montaigu, elle dénote au milieu de ces murs immaculés. Mais tant pis, elle n’a pas le temps de s’attarder sur des détails. Parce que déjà, elle a ses doigts qui viennent jouer sur les tiroirs du dressing, qui viennent effleurer les parures de diamant et les montres de luxe. Il n’y a pas de coffre fort, ici. Tout est à la vue de tous. Mais qui viendrait voler ceux appartenant aux Capulet ? Demain, cela fera la une des journaux. Demain, cela sera sur toutes les lèvres, dans toutes les conversations. Mais demain, elle aura déjà disparu depuis longtemps. Ce n’est pas la première fois, après tout.

Adrénaline qui coule dans le sang, coups d’oeil jetés par dessus son épaule. L’enfant terrible des Montaigu n’en fait qu’à sa tête, ce soir. Pour une robe qu’elle a aperçu, pour une soirée à laquelle elle veut se rendre, pour une vie qui n’est pas la sienne. Ce n’est pas sa faute. Nova, personne ne lui a appris qu’il y a certaines choses qu’elle ne peut pas avoir. Sac rempli en quelques minutes et déjà, elle sort de la pièce. Explore la villa, ne peut pas s’en empêcher. Un mouvement qui attire son regard, coeur qui s’emballe. Si elle est vue ici, elle est morte. Elle le sait, elle connait les risques par coeur. Silhouette qui se dévoile, tension qui retombe. Juste un peu. Tommy. Un millier d’émotions qui la traversent, la peur n’en fait pas parti. Tommy, c’est un fantôme du passé qui a disparu. Complicité éteinte, espoirs devenus poussière. Enfants qui se croyaient au dessus des lois, enfants qui n’avaient pas encore compris que rien ne servait de rêver. Personne n’échappe pas à la réalité.

« Qu’est ce que tu fous là ? » Question réthorique, quand Tommy se déplace, il y a la Mort qui plane autour de lui. Tout le monde sait ça, à Night Vale. Ou peut-être qu'il n'y a qu'elle qui a vu les ombres assombrir ses prunelles. Il est loin, le gamin qui inventait des histoires juste pour la faire rire. Le gosse intrépide qui la trainait dans ses plans foireux, pour voler l’épicier du coin, juste pour un bonbon. Celui qu’elle retrouvait alors que personne les voyait parce que les règles, ils en ont jamais rien eu à foutre. Les règles, ce n’était qu’un jeu, rien de plus. Puis les années ont passé et la vie les a engloutis. Juste comme ça. « Qu'est ce que pauvre type t'a fait ? »

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we get what we deserve

Une vue à couper le souffle, une villa qui ne lui appartient pas. Il est rentré sans y avoir été invité. Ce soir, sa visite n'est pas de courtoisie, il a un flingue entre les doigts et un orage au cœur des yeux. Une gorgée de vodka et il range sa flasque dans sa poche, laisse glisser son regard autour de lui. Dans la pénombre, les choses perdent leur valeur, le marbre ne se distingue pas du goudron et les étoiles éclairent à peine les dorures sur les murs. Y a un homme qui vit ici, avec toute sa famille. Il a une vie normale, ou presque. Il a acheté sa réussite aux Capulet et dernièrement, il l'a oublié. Les Capulet, eux, ils oublient pas, et pour faire régner leur loi, c'est Tommy qu'ils envoient. Y avait une époque où il avait peur, avant de tuer quelqu'un. Son coeur battait trop fort et son flingue menaçait de glisser dans ses mains moites. Aujourd'hui, c'est différent, c'est la routine. Une balle dans l'crâne et il s'en va.

Soudain, des bruits de pas, puis un visage. Nova. Ca fait mal quand il la voit, mais il le montre pas. Ca fait mal, parce qu'ils pourront jamais être rien d'autre que les souvenirs qui fusent contre son crâne. Il se rappelle de toutes leurs victoires et c'est sa plus grande défaite. Il était censé l'oublier, ouais mais voilà, c'est Novaet il a jamais vraiment pu. On dit souvent que l'espoir meurt en dernier. Pour lui, c'est faux, il a tué l'espoir en premier quand il lui a dit adieu, y a des années déjà. Et elle est pas censée le blesser comme elle le fait, le narguer avec sa putain de liberté. « Qu’est ce que tu fous là ? » Un soupir, faussement déçu, il range son flingue. Elle sait exactement pourquoi il est là. Tout comme il sait exactement ce qui se trouve dans son sac. Les perdus de vue, ils sont devenus ce qu'ils n'auraient jamais voulu être. Les deux gosses auraient été bien déçus s'ils s'étaient vus à ce moment là. « Qu'est ce que ce pauvre type t'a fait ? » Contrairement à lui, Nova a encore du feu dans les yeux. Le naufragé, il s'est laissé couler y a belle lurette. Il hausse les épaules. « Ca te regarde pas. » Le ton est froid, parce qu'ils sont pas censés se parler, pas censés se connaître, pas censés être liés par autre chose que de la haine. Le ton est froid, parce qu'il est pas censée la laisser partir d'ici vivante. « Qu'est-ce que t'as pris ? » Il chope son sac sans demander la permission avant de le vider sur le sol. Le butin est prévisible. Il serait presque déçu, s'il ne la connaissait pas. « Allez, casse-toi. La prochaine fois, t'auras pas la même chance. » L'amertume des mensonges. Il a beau dire, entre eux rien n'est mort. Il lui fera jamais de mal, et elle le sait.

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« Ca te regarde pas. » Il ne l’impressionne pas, quand il lui parle comme ça. Quand il la regarde comme ça. Parce qu’elle lui renvoie la même froideur, la même haine. Le même mensonge. Il y a des choses qu’ils n’ont pas pu effacer. Elle a essayé, pourtant. De vivre sa vie, d’oublier les fugues inespérées au milieu de la nuit. D’oublier les rêves et les espoirs. Mais ça ne marche pas comme ça. « Qu'est-ce que t'as pris ? » Sourcil levé pour le narguer, elle ne répond pas tout de suite. Lui aussi, il connait ses petits secrets. Ça devrait l’enrager. L’effrayer, même. Parce que Tommy, c’est un Capulet. La loyauté avant tout. La famille avant tout. Il n’y a rien d’autre qui compte, pour lui. Alors la balancer, cela ne lui coutera rien. Ou presque. Ou peut-être que c’est ce dont qu’elle veut se persuader. C’est plus facile ainsi. « Ça te regarde pas. » Elle lui renvoie sa phrase, mais il s’en fout. Sac arraché, bijoux qui tombent sur le tapis de luxe. Un soupir blasé, elle croise les bras. Elle ne partira pas sans ce qu’elle est venue chercher. Elle en a trop besoin. « Allez, casse-toi. La prochaine fois, t'auras pas la même chance. » Une seconde qui passe, la menace qui tombe entre eux comme un couperet. Regard qui vrille, mâchoire qui se serre. Nova, elle ne reçoit d’ordre de personne. Ni des Crimson. Ni même de son père. Certainement pas d’un Capulet. Une balle entre les deux yeux, c’est ce qui l’attend. Mais en attendant, elle a un rire qui s’échappe de ses lèvres. Elle a la fierté qui brille dans ses iris, l’insolence qui coule dans ses veines. Elle se veut libre, Nova. Elle se veut loin des gangs et de la vie qu’ils mènent tous. Mais Nova, elle n’a jamais essayé de partir de Night Vale. Liberté utopique, une vie tracée d’avance, une mort préméditée avant même sa naissance. Elle appartient au désert, qu’elle le veuille ou non. « T’es sérieux là ? Monsieur le Capulet claque des doigts et s’attend à ce je m’exécute ? » Il le sait, qu’elle n’obéira jamais. Elle le sait, qu’il ne mettra jamais ses menaces à exécution. Elle se rapproche, si proche qu’il lui suffirait de lever la main pour toucher son visage. Laisse le silence s’étirer entre eux, laisse les regrets s’effacer. Comme si c’était possible. « Si tu veux me menacer, fais en sorte d’y croire toi-même. » Elle ne sait pas, comment ils en sont arrivés là. Des promesses de gosses aux menaces de mort. Des évasions planifiées à la haine qui brûle entre eux. Remords qui détruisent tout, regrets qui brûlent dans ses poumons. Elle a mal quand elle doit le regarder. Elle a encore plus mal quand elle voit ce qu'ils sont devenus. « Il y a des enfants, qui vivent ici. Eux aussi, tu comptes les buter ? »

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Elle lui rit à la gueule, elle le croit pas une seule seconde. Lui, il a la mâchoire qui se serre. Il la préférait quand elle était dans ses souvenirs, quand il avait pas à se demander s'il aurait dû la buter. Il la préférait à l'état de songe quand il se demandait si elle était toujours dans les parages. Il la préférait quand elle était loin, à l'autre bout de la ville, quand elle voyait pas ses faux semblants ni ses mirages.  « T’es sérieux là ? Monsieur le Capulet claque des doigts et s’attend à ce je m’exécute ? » C'est comme ça que ça marche avec tout le monde. Il a juste à donner des ordres pour que sa volonté soit faite. Nova, c'est différent. L'indocile refuse de lui obéir, et pire encore elle continue l'affront en abolissant la distance qui les sépare. Elle a beau être à quelques centimètres de lui, y a un gouffre entre eux, l'océan des années qu'ils ont laissé passer. « Si tu veux me menacer, fais en sorte d’y croire toi-même. » Il baisse pas les yeux, abandonner c'est pas son genre. Y a de la colère dans son regard, comme s'il lui en voulait d'avoir continué sa vie sans lui, comme s'il lui en voulait de refuser de partir. « Il y a des enfants, qui vivent ici. Eux aussi, tu comptes les buter ? » Y a assez de balles dans son flingue pour tuer toute la famille, mais c'est pas les ordres qu'il a reçus. On peut pas semer la terreur chez les morts. Alors, ce soir, y aura des survivants dans ce terrible accident. Personne ne parlera du meurtre de sang froid, et la cause de décès, elle est déjà écrite sur l'acte qu'ils vont donner à la police. Ce soir, ce sera un suicide, tout comme le mois dernier et le reste de la famille fermera sagement sa gueule. Ainsi va Night Vale.  « Qu'est-ce que ça peut t'faire ? » Il sait pas à quoi elle joue. Elle comprend pas qu'il est plus le gamin qui s'amusait à lui faire des promesses. Il existe plus, le gosse qui lui rendait ses sourires. Alors, sa main vient serrer son cou pour la plaquer contre le mur. Un capulet, ça se laisse pas marcher sur les pieds, pas même par un putain de souvenir.  « Peut-être que c'est toi que j'devrais buter, mh ? »

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« Qu'est-ce que ça peut t'faire ? » Rien, si ce n’est qu’il s’éloigne encore plus. Rien, si ce n’est que Nova, elle s’accroche au passé. Un peu trop. L’espace d’un instant, elle veut le retrouver. Retrouver leur vie d’avant, retrouver leurs mirages. Quand tout était plus simple, quand tout était moins douloureux. « Peut-être que c'est toi que j'devrais buter, mh ? » Plaquée contre le mur en une seconde, main qui serre sa gorge, air qui se fait rare dans ses poumons. Elle ne bouge pas, se contente de le fixer, sans même lutter. De toute façon, elle ne fait pas le poids, pas comme ça. « Vas-y alors, qu’est ce que tu attends ? » Sarcasme à l’état pur, parce qu’elle refuse de céder. Parce qu’elle préfère crever pour un truc con que de trembler devant des menaces. Elle est faite comme ça, on la changera pas. Puis, il y a quelque chose qui change. « Arrête ton cinéma, Thomas. Il n’y a personne ici à part nous. » Comme avant. Quand personne ne pouvait les voir, quand personne ne savait où ils étaient. Quand il n’y avait que les étoiles comme témoin. Un main posée sur celle qui lui serre la gorge, l’autre qui vient se poser dans son cou. Elle ne sait pas à quoi elle joue. Geste instinctif, il est trop tard pour s’arrêter. De toute façon, Nova, elle vit dans l’instant présent. Elle ne réfléchit jamais, elle ne prémédite aucun de ses gestes. Elle est bien trop impulsive pour ça. « Tu le feras pas. » Provocation qui a disparu de sa voix, regard qui change. Quelque chose de différent, des souvenirs qui éclatent dans sa boite crânienne. Images qui défilent devant ses pupilles, ces mêmes images qu’elle a cru avoir oublié depuis des années. Il aura juste fallu le revoir pour que tout vole en éclat. « Tu l’as promis. »

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« Vas-y alors, qu’est ce que tu attends ? » Si c'était pas Nova, il aurait pas hésité une seule seconde et elle le sait. C'est pour ça qu'elle a pas peur quand elle le regarde, elle voit pas la mort, pas comme les autres. Ouais, mais voilà, le truc, c'est qu'il y a plus rien à voir. A Night Vale, les souvenirs ont pas d'espérance de vie, et le gamin qu'elle connaissait a du plomb dans l'aile. Il a incarcéré ses rêves dans des prisons d'acier, des pistolets argentés, des canifs affutés, et le sang a coulé dans le sable, par sa faute, sous ses yeux ou de ses propres mains. « Arrête ton cinéma, Thomas. Il n’y a personne ici à part nous. » Il la dévisage. Ils ont tout misé sur leurs rêves et ils ont perdu au change. Ils se sont retrouvés sans rien, avec les légendes sur leurs épaules et des rôles à jouer dans une histoire qui n'est pas la leur.  Ca faisait des années qu'on l'avait pas appelé comme ça et ça le dégouterait presque. Finalement, le passé est pas facile à oublier, surtout quand on se retrouve face à face avec. Et soudain Nova a le visage qui change. Sa main sur la sienne, sa main sur sa peau, à en faire trembler le destin. « Tu le feras pas. » Non, il le fera pas, il en a pas la force et ça le tue. C'est pas censé se passer comme ça. Les Montaigu, il les crève et puis c'est tout. Mais ce soir, c'est différent. Il peut pas.  « Tu l’as promis. » C'est dur de promettre, à Night Vale car les ombres finissent toujours par tout conquérir. Alors il s'incline. Il la lâche et il s'éloigne, comme s'il supportait plus d'affronter son regard. « Tire-toi. » Une supplication déguisée en ordre, en hommage aux souvenirs démembrés qu'il arrive plus à supporter. Une prière sur sa gueule d'ange, parce qu'il a pas envie de tout envoyer en l'air. Nova, aujourd'hui, c'est plus qu'un souvenir. C'est une Montaigu. Il a pas le choix. « Et les diamants, n'y pense même pas. »

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« Tire-toi. » Un nouvel ordre, son sang qui ne fait qu’un tour. Si elle est libre, elle ne bouge pas. Ils sont dans une impasse, si lui il l’ignore encore, elle le sait. Ils ont toujours fait attention à ne jamais se croiser. Volontairement, instinctivement, qu’importe. Ils le savaient, au fond, que cela se finirait mal. C’est un Capulet. Elle est une Montaigu. La fin de cette rencontre est écrite dans les étoiles. Ce n’est pas une tragédie. Ce n’est n’est pas une malédiction. C’est juste deux gosses qui ont voulu défier l’univers pour lui prouver qu’ils étaient plus forts que ça. Le problème, c’est que fort, ils ne l’ont jamais été. Il est temps qu’elle ouvre les yeux. Quelques pas sur le côté, elle se baisse pour ramasser son sac et remettre les diamants dedans. Trop tard. « Et les diamants, n'y pense même pas. » Ce même ordre qui la fait grincer des dents. Cette même volonté de l’écraser qui la rend folle. Elle est sur un terrain glissant, mais elle ne le voit même pas. Elle se relève la seconde suivante, son sac sur l’épaule, une montre rolex dans une main. « Je te l’ai déjà dit. Je n’ai pas d’ordre à recevoir. » Plutôt crever. La liberté a un prix, l’inconscience aussi. Les jeux sont faits, il est trop tard pour marche arrière. « Que vas-tu faire, Capulet ? Me descendre et rendre ton papa fier de toi ? Balancer mon cadavre dans la rue pour montrer à quel point les Capulet sont forts ? » Ton dédaigneux, elle crache presque ses mots. Ça lui fait  mal, de les dire. Ça lui fait mal, de voir qu’ils sont vrais. Qu’un des deux va mourir ce soir au nom d’une guerre qui a éclaté bien avant leur naissance. Mais le passé est loin et le présent a repris ses droits. Main libre passée dans son dos, elle sort un flingue de l'arrière de son jean. Elle déteste les armes à feu, mais à Night Vale, on ne sort jamais sans. Un petit calibre, qu’elle amène au cas où. Qui ne la gène pas. Qui est capable de trouer les peaux et les coeurs. « T’es comme tous les autres, au final. »

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« Je te l’ai déjà dit. Je n’ai pas d’ordre à recevoir. » Elle l'écoute pas, Nova. Il sait même pas pourquoi il essaye, elle l'a prévenu dès le départ. Si l'empereur est au dessus des lois, Nova, elle est au dessus des siennes. Mais la haute voltige à laquelle ils se livrent, ça se terminera mal. Les étoiles ont pas de pitié, et encore moins pour eux. Leur chute sera longue, et ça va faire mal. Le pire, c'est qu'ils le savent déjà, qu'il y aura toujours un gouffre entre eux. Et Tommy, il voulait pas que ça se passe comme ça, qu'elle le regarde comme ça, comme s'il était rien d'autre qu'un inconnu. Alors, chaque fois que leurs regards entrent en collision, ça le brûle. Tommy et Nova incarcéré dans leur prison de vérité savent plus vraiment comment s'en échapper. « Que vas-tu faire, Capulet ? Me descendre et rendre ton papa fier de toi ? Balancer mon cadavre dans la rue pour montrer à quel point les Capulet sont forts ? » Il lève les yeux au ciel, comme si c'était faux, mais si ça avait été n'importe qui d'autre, c'est ce qu'il aurait fait. Elle le fout dos au mur et il déteste ça. Il a pas d'autre choix que de se confronter à ce qu'il aurait jamais voulu devenir et pour la première fois depuis longtemps, il sait pas quoi faire. Alors, quand elle pointe son flingue vers lui, c'est comme si elle avait déjà tiré. Ca fait aussi mal. Ca explose toutes les cicatrices. Ca anéantit tous les espoirs qui auraient pu survivre au temps passé. « T’es comme tous les autres, au final. » Dans ses yeux noirs, y a les souvenirs qui s'affrontent dans un orage, une pluie de regrets qui s'abat surtout ce qu'ils auront jamais. Il sait pas comment ils en sont arrivés là, et ça le tue. Pourtant, il est sûr de lui quand il s'avance vers elle, doucement. Pour la première fois, ce soir, son visage s'adoucit. « Vas-y. » Ses yeux dans les siens, sa main sur la sienne, il place le canon du flingue sur son torse. Plus de diamants, plus de meurtre prémédité, la villa disparaît et night vale avec. Le passé affronte le présent avec la plus grande des cruautés. Et il accompagnerait le geste jusqu'à la fin, s'il le pouvait.  « Tire. »

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« Vas-y. » Il laisse tombe le masque et l’oblige à pointer son flingue sur son torse. Elle observe le geste, se fait violence pour ne pas le retirer dans un sursaut. Elle ne veut pas le tuer. C’est quelque chose qu’elle savait avant même de sortir son arme. Et si un Capulet et une Montaigu sont incapables de s’entretuer, alors ils seront deux à mourir. C’est la loi. Sur son visage, il y a quelque chose qui change et l’espace d’un instant, elle retrouve le Tommy qu’elle a toujours connu. C’est bref, cela ne dure pas. Parce que les mots qui arrivent sont cruels. « Tire. » Pupilles braquées dans les siennes, il est trop près, bien trop près. Ils jouent à un jeu dangereux, ils le savent tous les deux. Les deux enfants terribles se retrouvent face à un choix, à un de ceux qu’ils ne pensaient jamais avoir à faire. Un de ceux qui se finira mal, peu importe ce qu’elle choisit. Il n’y a pas de bonne réponse, ce soir. Pas de miracle. Plus de mirage. « Je t’ai dis que je n’obéissais pas aux ordres. » Voix rauque, mots douloureux, phrase qui sort dans un murmure à peine audible. Sa gorge est serrée, de tous leurs regrets, de tout ce qu’ils ont perdu. De tout ce qu’ils ne retrouveront jamais. Ce n’était pas censé se passer comme ça. Ils étaient censés vivre loin de Night Vale, loin du désert et de sa cruauté. Oublier leurs noms de famille, oublier les gangs et le sang. Ils étaient censés vivre. « Je peux pas. » Vérité avouée dans un souffle, elle baisse son arme et juste comme ça, il n’y a plus rien entre eux. Plus de menace et plus de gang, plus de loi et plus de destin. Juste eux, face à une réalité qui ne devrait pas exister. Deux mondes qui s’affrontent, comme si c’était écrit dans les étoiles. De nouveau, elle lève la main pour toucher sa peau, pour effleurer sa joue. Geste qui fait écho à des milliers d’autres, geste qui fait exploser le présent. « Plutôt crever. »

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« Je t’ai dis que je n’obéissais pas aux ordres. » Les yeux braqués sur elle, il a l'impression de revenir dix ans en arrière, quand les légendes n'étaient que des échos, quand leurs noms s'effaçaient encore derrière leur regard. Les yeux braqués sur elle, y a son coeur qui explose et du feu dans ses prunelles. Il se demande si, comme lui, elle entend déjà les coups de feu qu'ils auraient du provoquer, la fin qu'ils retardent encore un peu, juste un peu, juste le temps de se retrouver. « Je peux pas. » Elle baisse son flingue et soudain, y a plus d'espace entre eux. La dernière muraille tombe quand elle effleure sa joue. Il ferme les yeux, il se rappelle, c'est comme un flash, un tsunami, une tempête. C'est là qu'il se rend compte que les promesses se sont jamais envolées et qu'ils ont pas disparu, pas tout à fait. Le temps passé reviendra pas, c'est vrai, mais ils le ressuscitent, juste pour quelques secondes. « Plutôt crever. » Il rapproche son visage du sien jusqu'à ce que leur front se touche et y a collision entre leur regard. Ils se sont jamais aimés comme ça, du moins, pas à voix haute. Alors, quand il attrape ses lèvres avec les siennes, il sait pas exactement à quoi s'attendre. Puis y a leur souffle qui se mélange. Et soudain, il a plus envie de la lâcher. Il s'en fout, s'il arrive plus à respirer. Il s'en fout, s'il lui fait mal quand il la fout dos au mur, encore une fois. Il s'en fout, de faire exploser son coeur jusqu'à la dernière seconde, jusqu'à ce que l'air disparaisse, jusqu'à ce qu'ils se perdent dans leur propre labyrinthe, jusqu'à ce que la nuit s'évanouisse. Il s'en fout, parce que le reste du monde s'incline et qu'il reste plus rien de leurs étoiles contraires, tout s'évapore et eux aussi. A Nova, il fait une confiance aveugle et ça lui fait presque mal de se dire qu'elle pourrait briser le coeur qu'il protège depuis toujours, la forteresse la mieux gardée de Night Vale. Un putain de carnage, quand il s'éloigne, juste assez pour la laisser respirer. Un putain de carnage quand il la regarde et qu'il se rend compte qu'ils pourront jamais avoir plus que quelques secondes. « Tu peux pas rester là. » C'est pas un ordre, cette fois. C'est une supplication. Dans quelques minutes, y a un homme qui va rentrer ici. Et Tommy, il dégainera son flingue. Une balle en plein coeur.  « Pars, Nova. J'te retrouverai. » Comme à l'époque, il leur reste plus que des promesses dans des yeux couleur cendres.

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Il y leurs lèvres qui se rencontrent et il n’y a plus rien qui compte. Il l’a prise par surprise, elle ne s’y attendait pas. Mais elle ne fait rien pour le repousser. Volonté qui vole en éclat, absence qui disparait, manque qui s’efface. Entre eux, ça n’a jamais été comme ça. Deux enfants qui connaissent le premier amour, des mots glissés dans l’oreille de l’autre, des joues qui rougissent, des yeux qui fuient. Elle s’était dit que c’était loin, tout ça. Des conneries de gosses. Des rêves d’enfants. Mais il y a leurs langues qui dansent ensemble, l’air qui disparait. Un mur contre son dos, un peu trop fort, elle s’en fout. Ses mains dans ses cheveux, son corps qui se rapproche du sien. C’est violent, c’est inattendu, c’est fort, trop fort. Ça fait emballer son coeur, ça la laisse tremblante quand leurs lèvres se détachent, quand elle peut de nouveau respirer, quand elle rencontre son regard. C’est une connerie, elle le sait que ça se finira mal. Que ça ne peut pas exister, qu’ils ne peuvent pas se permettre de raviver l’espoir dans des coeurs meurtris. « Tu peux pas rester là. » Elle sait pourquoi il dit ça, elle entend la supplication dans sa phrase. Elle voit le tueur qu’il est devenu, le fier assassin des Capulet, celui qui est envoyé pour donner une note finale à tous leurs deals. D’une manière ou d’une autre. Elle a reconnu les ombres dans ses iris. Il n’a pas eu le choix, qu’elle se répète. Pas plus qu’elle. « Pars, Nova. J'te retrouverai. » Signe de tête pour acquiescer, main qui s’attarde contre sa peau quelques secondes supplémentaires. Un répit nécessaire, une pause dans cette réalité devenue insupportable. « D’accord. » Elle ne peut pas être là quand le type va rentrer, et ça la tue. Avant, elle ne serait jamais partie. Avant, elle serait restée à ses côtés parce qu’il n’y avait rien qu’ils ne pouvaient pas affronter quand ils étaient tous les deux. Elle ouvre la bouche un instant, veut lui dire de venir avec elle. Le convaincre de la suivre, de fuir toutes ces conneries et de se réfugier dans leurs utopies. Mais c’est impossible. Tout ce qu’elle peut faire, c’est accepter sa promesse, se convaincre qu’il viendra. Parce qu’elle est incapable de se dire que cette nuit, c’était une erreur, une de celle qui n’arrivera plus jamais. Nova, derrière tout ce qu’elle peut dire, tout ce qu’elle peut faire, elle ne peut pas s’empêcher de rêver. Un peu trop. « Dépêche toi, alors. » Un dernier baiser qui s’attarde, une montre qu’elle glisse dans la poche de sa veste en cuir, comme le butin qu’il doit lui ramener. Un regard en arrière, une hésitation à peine perceptible, une fenêtre escaladée. Un coeur qui se tord, qui lui fait mal. Et elle disparait dans la nuit.